Quel que soit le positionnement de chacun vis à vis de la pratique religieuse, on ne peut négliger le fait que notre église est le témoin d’un long passé au cours duquel s’est forgé la culture de notre société. C’est la raison pour laquelle ce patrimoine historique a vocation à être transmis aux générations futures.
Les assauts du temps n’ayant pas épargné notre église, en 2007 le Conseil Municipal a décidé d’effectuer une rénovation importante de l’église de Villette. A cette occasion, il a confié la coordination de cette opération à monsieur Michel Leclerc. Celui-ci ayant réalisé un relevé du mobilier, de la statuaire et des objets divers contenus dans l’église, c’est avec son aimable autorisation et nos chaleureux remerciements, que nous vous proposons d’entreprendre la visite de cette belle église romane.
Son histoire
Au début du IXème siècle, l’abbaye parisienne de Saint-Germain-des-Prés possède des établissements de colons à Chavannes et à Leuze (Voir Un peu d’histoire/Le haut moyen-age). Sous le parrainage de Saint Martin, la christianisation s’effectue très tôt, marquée par la fondation d’une église à Villette[i]. Selon l’évêché de Versailles, au XIème siècle notre village était déjà une paroisse avec son église. Celle-ci aurait été donnée par Childebert[ii] aux moines de Saint Wandrille[iii]. Cette donation fut confirmée en 1144 par le pape Innocent II et en 1177 par Louis VII. Le pouillé du diocèse de Chartres[iv] fait notamment mention d’une église paroissiale à Villeta dont le collateur[v] était justement l’abbé de St Wandrille.
A partir du XIIIème siècle, en plus du collateur, la gestion locale des biens de l’église commence à être assurée par une fabrique. Née en Italie et en Angleterre, la fabrique est une structure assimilable à une personne morale. Elle est chargée d’administrer et d’entretenir les biens de l’église. L’administration de la fabrique de Villette était confiée à un conseil[vi] composé de trois marguilliers[vii] et du curé en tant que membre de droit. Supprimées à la Révolution Française vers 1792, elles seront rétablies par l’article 76 du Concordat de 1801. Elles disparaîtront définitivement entre 1910 et 1920.
D’un point de vue architectural, aux XIème et XIIème siècles, les anciennes églises en bois se font de plus en plus rares. Les fréquents incendies et une maîtrise de l’architecture qui s’affirme au travers de l’art roman, incitent ceux qui en ont la charge à les reconstruire en pierre. C’est ainsi qu’afin d’éviter les incendies des charpentes, apparaissent les première voûtes en pierre[viii]. Cet art roman qui nous vient d’Italie s’exprime à travers le caractère monumental de son architecture. Il emprunte à des sources variées: carolingienne, antique ainsi que byzantine, orientale et celtique; mais c’est surtout la rigueur qui caractérise ce style, ainsi qu’une relative austérité. Dans la société de l’époque, profondément religieuse, l’art roman avait pour but de favoriser le recueillement et la prière.
En ce qui concerne notre église, celle qui est visible aujourd’hui n’est pas l’édifice existant au XIIème siècle car de nombreuses églises de la région dont la nôtre ont été, soit rénovées, soit reconstruites durant les XVème et XVIème siècles. En effet, les guerres de religions, particulièrement violentes dans notre région, avaient ravagé nombre d’édifices religieux.
Un autre élément ayant contribué au changement d’aspect extérieur de notre église concerne le cimetière qui, comme c’était l’usage depuis le VIIIème siècle, se situait le long de celle-ci. En 1903, ce cimetière étant devenu trop exigu, la municipalité décida d’en créer un nouveau. Le terrain nécessaire étant acquis, le 10 juin 1920, la commune invita les familles à enlever les sépultures et leurs ornements de l’ancien cimetière. Ce dernier fut fermé le 1er avril 1904.
Enfin, il est à noter que, le 18 juillet 1920, le Conseil Municipal de Rosay décrétait l’abandon par la Commune de ses droits sur l’ancien cimetière et l’église de Villette[ix].
L’édifice
Cette grande église, dédiée à Saint Martin est située dans une zone inondable de la rivière appelée naguère «l’Isle». Elle est entourée par le cours de la Vaucouleurs à l’est et un canal nommé Mauru (ou Mort Ru) à l’ouest. Ce canal était destiné à alimenter le moulin situé au nord de l’église. Il aurait été creusé par les villageois, sous la direction des moines.
Elle présente une nef unique, oblongue, s’achevant sur un chœur polygonal à cinq pans avec des contreforts d’angles extérieurs. Les murs sont renforcés par des contreforts en pierres taillées recouverts de dalles de pierre. La toiture est recouverte de tuiles, tandis que le clocher carré, hors-œuvre, est protégé par des ardoises.
A l’intérieur, la voûte est en forme de carène inversée[x] lambrissée (XVIème siècle). Elle est couverte de planchettes de chêne, nommées merrains. Neuf grandes baies permettent un bon éclairage de la nef. Une partie de la charpente reste visible : les entraits et les poinçons.
L’édifice, de style roman, a été prolongé et remanié plusieurs fois au cours des siècles. La dernière réfection avant celle de 2007 a été menée au XIXème siècle, c’est à ce moment que les architectes chargés de cette tâche ont estimé que la période à laquelle elle prit son aspect actuel daterait du XVème siècle[xi].
Dimensions intérieures (approchées) :
Longueur = 33 m, Largeur =7,50 m, Hauteur voûte = 7 m (corniche) et 11 m (faîtière),
Surface = 260 m².
L’importance de cet édifice est justifiée par le fait que les fidèles venaient, outre Villette, de Chavannes, Leuze, Garré, Rosay, Saint Corentin et de Petit Bilheux.
Comme tous les lieux de culte catholique anciens, la nef est orientée est/ouest, le coeur à l’est et l’entrée à l’ouest.
La nef vue de la porte ouest
Vue d’ensemble du chœur 
La voute est une voute en berceau recouverte de planchettes en bois de chêne appelées merrains. La charpente est également en bois.
Sur le détail on distingue un lambris sur charpente datant du XVIème siècle.
Le Clocher, sa charpente est en bois. Elle porte des inscriptions qui font état d’une réfection en 1772.
La porte des morts. Cette porte, aujourd’hui murée, située sur la face nord de l’église était destinée à la sortie des cercueils après la cérémonie car elle donnait directement accès au cimetière.
Le Vitrail St Martin à l’est, Saint Martin partageant son manteau pour couvrir un pauvre. Les murailles peintes derrière St Martin sont, sans doute, celles d’Amiens. Il a été réalisé en 1863 par Mr Haussaire, peintre-verrier à Reims.
Le vitrail ouest, Situé au-dessus de la porte d’entrée, il comporte les inscriptions suivantes : Offert par la Confrérie de la Ste Vierge et MAI 1913.
Et enfin le vitrail latéral sud, Il n’y a, malheureusement, pas d’information ni sur la provenance ni sur l’âge de ce beau vitrail.
Comme la plupart du temps dans ce genre d’église, il n’y a pas d’entrée de lumière sur la face nord de l’édifice.
Avant de terminer cet article, arrêtons-nous quelques instants sur cette vue de notre église au début du XXème siècle.
Si l’église en tant que telle n’a guère changé aujourd’hui, le mur d’enceinte a disparu. Celui-ci entourait l’église, le presbytère à droite et le cimetière à gauche. Il fût détruit lors de la réfection de la route après le déplacement du cimetière vers son lieu actuel.
Ainsi se termine cette visite de l’édifice le plus remarquable de notre commune. Nous espérons vous avoir donné envie de le visiter.
[i] Il est possible qu’un culte païen préexistant ait déterminé l’implantation de l’église, qui est dédiée à Saint Martin, grand pourfendeur d’idoles.
[ii] Il s’agit de Childebert III (683—711), roi Mérovingien de 695 à 711
[iii] L’abbaye de Saint Wandrille est située sur la rive droite de la Seine, à 35 km en aval de
Rouen. Elle a été fondée le 1er mars 649 par Saint Wandrille.
[iv] Recueil contenant les possessions du diocèse de Chartres ainsi que les dédicaces des saints.
[v] Le collateur était le voué, le protecteur de la paroisse : il avait le devoir de la défendre, de veiller à la conservation de ses terres et de ses revenus, de pourvoir à son entretien. En retour, il possédait des avantages. Il percevait notamment les deux tiers et quelques fois la totalité de la dîme, il avait le droit de préséance à l’église et on lui payait le droit de sauvegarde.
[vi] Les membres de ce conseil sont au nombre de trois : un président, un trésorier, un secrétaire.
[vii] Un marguillier est un laïc, membre du conseil de fabrique. Il est chargé de l’entretien de l’église, de l’administration des biens de la paroisse (terres, écoles, rentes et impôts) et de la tenue du registre des pauvres de la paroisse.
[viii] Ce qui n’est pas le cas de notre église actuelle qui possède une très belle charpente avec poutres à poinçons apparents.
[ix] Autrefois la paroisse de Villette incluait aussi Rosay. Ce n’est qu’à la révolution que la division en deux communes distinctes a eu lieu.
[x] Aussi appelée voute en berceau.
[xi] Selon les architectes des Monuments Historiques qui ont supervisé sa réfection au XIXème siècle, l’église dans son état actuel daterait du XVème siècle. Des renseignements recueillis auprès des Archives Départementales laissent à penser que sa construction remonterait plutôt au XVIème ou XVIIème siècle On trouve d’ailleurs dans le livre de Michel De La Torre une indication qu’il existait pour notre église une plaque de fondation datée de 1632.